LES FEUX DE FORÊT

Des feux de forêts de plus en plus fréquents et intenses. Comprendre le phénomène.

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Des feux de forêts de plus en plus fréquents et intenses. Comprendre le phénomène.

Publié le Rédigé par Canopée

De plus en plus fréquents, durables et intenses, les feux de forêts soulèvent un certain nombre de questions sur les risques futurs, les moyens préventifs et les modes de gestion de la forêt. Tour d’horizon en 10 questions.

Des feux de forêts de plus en plus fréquents et intenses

Au cours de l’été 2022, la France a retrouvé les très grands feux qui l’avaient épargnée pendant près de 20 ans. Cet été là, le pays a connu des feux d’une ampleur exceptionnelle, dont celui de Landiras en Gironde sur 12 500 hectares, le plus étendu depuis 1949, et d’autres dans des régions habituellement moins touchées par les feux, comme la Bretagne ou les Pays de Loire. La surface totale incendiée en 2022 en France dépasse les 70 000 hectares, alors que depuis 2003, la surface annuelle brûlée était inférieure à 25 000 hectares.

Les grands feux ne sont toutefois pas inédits, en France comme ailleurs dans le monde. Malheureusement, c’est à présent leur localisation, leur durée, leur intensité, leur fréquence ainsi que l’extension de la période à risque qui est modifiée, et ce en lien direct avec le réchauffement climatique. En savoir plus

D’immenses feux de forêts, appelés mégafeux, se multiplient dans le monde pour des raisons diverses : la grande majorité est directement liée au réchauffement climatique, mais certains sont des moyens de déforestation, comme en forêt tropicale amazonienne et africaine. Ces mégafeux qui ravagent des dizaines de milliers d’hectares, peuvent dépasser le million d’hectares brûlé, comme en Australie et en Sibérie, ou encore au Canada qui est traversé par ce type de feu au moment où ces lignes sont écrites. En savoir plus

En comparaison avec ces feux gigantesques, les incendies qui sévissent en France sont cent fois moins étendus, en lien avec le fait que notre territoire ne comporte plus de grandes étendues boisées complètement sauvages. Dans notre pays, la surface forestière est toutefois en augmentation, mais aussi de plus en mitée par l’habitat et les installations touristiques, multipliant ainsi les risques de départs de feu.

De très grands feux se déroulent dans notre pays lorsque les conditions s’y prêtent : ce peuvent être des feux hors normes, ou des feux extrêmes, ou encore des feux catastrophe, selon leurs caractéristiques et les dégâts qu’ils occasionnent. Ils peuvent être extrêmement puissants et toucher des surfaces de plusieurs milliers d’hectares. En savoir plus

Avant l’incendie, éviter les départs de feux

Le risque d’incendie en France augmente, et va continuer à augmenter à la faveur du réchauffement climatique. La meilleure façon de préserver les forêts des incendies reste que ceux-ci ne démarrent pas.

Pour cela, la connaissance des conditions dans lesquelles ils se produisent est un premier élément. En France, les plus grands feux se déroulent généralement dans des conditions météorologiques connues et concomitantes de sécheresse, qui assèchent les sols et la végétation, de températures élevées et de vent, pouvant causer des phénomènes de sautes de feu. Les reliefs de pente accentuent leur propagation. En savoir plus

9 feux sur 10 sont d’origine humaine dans notre pays. Afin de lutter contre les départs de feux, il est donc utile et nécessaire d’éduquer la population au risque incendie tout au long de l’année. En ce sens, 2023 connaît une avancée avec la mise en place d’une météo du risque incendie pendant la période estivale, ainsi que d’une timide campagne de prévention à l’approche de l’été. Mais lorsque les conditions météorologiques deviennent critiques, il faut restreindre strictement l’accès aux massifs forestiers, une décision qui revient à chaque préfet de département. Il est indispensable que la population, locaux comme vacanciers, et usagers comme professionnels, prenne pleinement conscience que ces restrictions sont nécessaires. En savoir plus

La prévention contre les incendies de forêt passe aussi par le débroussaillement des zones qui sont soumises aux Obligations Légales de Débroussaillement (OLD). Dans certains départements et à proximité de certains massifs forestiers, leur but est de rendre le feu moins puissant en diminuant la masse combustible, de façon à permettre la mise à l’abri des personnes et la circulation des services de secours sans les mettre en péril. Inscrites dans le code forestier, ces obligations sont renforcées par la Loi de prévention et de lutte contre les incendies de 2023.
L’application de cette réglementation reste insuffisante dans le pays, car elle nécessite d’effectuer des travaux en dehors de leur propriété pour les propriétaires de bâtiments et d’installations situés à proximité de forêts. En savoir plus

Gérer la forêt face au risque d’incendie

Plusieurs moyens existent afin de diminuer les risques d’incendie en forêt : dans les zones identifiées comme étant les plus à risque, le débroussaillement des interfaces avec les lieux fréquentés, mais ce n’est pas le seul. La fermeture du couvert, le choix d’essences moins inflammables, la diversification des espèces d’arbres et de leurs âges, ou encore leur mode de gestion, peuvent également apporter des solutions.

Si certains espaces soumis aux obligations légales de débroussaillement ou participant à la défense des forêts contre les incendies doivent être débroussaillés, l’ensemble de la forêt française n’a pas vocation à l’être. En effet, un couvert fermé et la présence de végétation adventice et de bois mort procurent bien des avantages aux forêts, comme le maintien de l’humidité dans le sous-bois et dans le sol, la conservation d’une température moins élevée, et la limitation de la prolifération d’espèces végétales invasives. Le débroussaillement et les fortes éclaircies créent de nouveaux milieux plus ouverts, appréciés par certaines espèces, mais qui demandent un entretien régulier qui n’a plus grand chose à voir avec la gestion forestière. Un réseau de coupure de combustible ou de pare-feux, tel que celui existant notamment en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, et ayant existé dans le massif landais, peut s’appliquer à une faible part de la surface forestière (3 à 5 %) dans les régions les plus à risque. En savoir plus

En dehors de ces zones bien particulières, la réflexion face au risque d’incendie peut tout d’abord porter sur le choix des essences. En effet, certaines espèces d’arbres s’enflamment plus facilement que d’autres : ceci peut-être lié à leur teneur en eau, à leur structure et à leur morphologie, ou à leur composition chimique. Certaines espèces contenant des terpènes dans leur feuillage, comme le pin d’Alep et le pin maritime, ainsi que les espèces exotiques de pin radiata et d’eucalyptus, sont plus inflammables.

D’autre part, selon leur âge et leur épaisseur d’écorce, tous les arbres n’ont pas les mêmes capacités de résistance au passage du feu : les jeunes arbres auront peu de chance de survie, et la plupart des feuillus auront moins de chance que les résineux à l’écorce épaisse. Les espèces ont ainsi adopté différentes stratégies face au feu : soit elles l’évitent, soit elles y résistent, soit elles le tolèrent. Les limites de ces stratégies sont celles du régime des feux, défini comme étant la combinaison entre l’intensité du feu et l’intervalle de temps qui sépare deux incendies au même endroit. Le réchauffement climatique augmentant la fréquence des conditions favorables aux feux, les risques sont la régression des forêts au profit des landes, garrigues et maquis dans les zones les plus exposées. En savoir plus

Les forêts monospécifiques sont plus sensibles à l’ensemble des risques qui pèsent aujourd’hui (incendies, sécheresses, tempêtes, attaques biotiques). La régularité de leur structure et leur absence de sous-étage, obtenue au prix de passages en coupe réguliers, coûteux en argent et en biodiversité, ne les protègent pas totalement de tous ces risques et leur promotion doit ne plus appartenir qu’au passé.

La diminution des risques passe par le mélange des essences, avec notamment l’introduction d’espèces feuillues moins inflammables. Il est d’autant plus important de favoriser les mélanges que le sud-ouest du pays et le bassin méditerranéen, zones où le risque incendie est le plus fort, sont aussi celles où les peuplements mélangés sont les plus rares.

D’autre part, il n’est pas prouvé que les forêts à couvert continu soient plus sensibles au feu que les futaies régulières, mais elles offrent de nombreux avantages face à l’ensemble des risques. Nos pays voisins, la Belgique, la Suisse (qui interdit les coupes rases de plus de 0,5 ha), et l’Allemagne promeuvent d’ailleurs ce type de sylviculture. En savoir plus

En France, une forêt peut ne pas être exploitée par choix volontaire de son gestionnaire, ou parce qu’elle est inaccessible, ou encore parce qu’elle est délaissée par son propriétaire.

Ces forêts, en conservant de vieux arbres jusqu’au stade de sénescence, offrent de nombreux avantages en termes de biodiversité mais également face aux incendies.

Aucun mode de gestion ne protège totalement nos forêts du feu, et les enjeux de conservation ne doivent pas être remis en cause par les enjeux de protection contre les incendies. En savoir plus

Après l’incendie, planter des arbres n’est pas la priorité

Tous les arbres ne meurent pas forcément immédiatement après un incendie. Leur mortalité dépend de l’intensité du feu, des conditions qui vont suivre, et de la capacité de résistance des arbres au feu.

Le maintien d’arbres plus âgés encore vivants peut permettre de bénéficier d’une régénération naturelle, participe à rendre le peuplement moins sensible au passage d’un prochain feu, et a un effet bénéfique sur l’érosion des sols qui peut être très importante après un incendie. Ils servent également d’abri à la régénération en maintenant un certain couvert, et permettent le maintien d’un mélange, notamment dans le cas où la régénération devrait être complétée par une plantation. Enfin, ces arbres survivants ont un effet paysager rassurant après le traumatisme que peut engendrer un incendie. Seuls des impératifs sanitaires, trop souvent évoqués à tort, doivent permettre la coupe et l’évacuation rapide des bois, assortis d’une période d’attente de deux ans avant replantation.

En revanche, le déssouchage appauvrit les sols, dévaste sa structure, sacrifie le réservoir d’humidité qu’il constitue et compromet la régénération naturelle. Cette pratique n’a pas sa place en France, pas plus après un incendie que lors de l’exploitation d’une coupe définitive. En savoir plus

Afin de montrer son soutien à la filière, la première réponse donnée par le Président de la République suite aux incendies est celle de la plantation d’un milliard d’arbres. Or ce n’est ni la première, ni l’unique solution à apporter aux peuplements sinistrés.

Laisser la forêt se régénérer naturellement est une option plus efficace et moins coûteuse que la plantation.

Celle-ci est de plus trop souvent monospécifique, diminuant la résistance et la résilience des peuplements face aux aléas de sécheresses, tempêtes, maladies ou incendies.

La priorité doit être de s’appuyer et de restaurer des dynamiques naturelles, de venir améliorer les peuplements existants en les enrichissant si besoin par des petites plantations en trouées et de fixer des règles claires lorsqu’une plantation sur une plus grande surface est nécessaire. En savoir plus

Auteurs : Emilie DEPORTES et Sylvain ANGERAND