Analyses

Rapport parlementaire sur les forêts : des avancées à concrétiser

Canopée revient sur les principales propositions de ce rapport et analyse ses points forts et ses points faibles.

Publié le Rédigé par Canopée

La forêt est l’affaire de tous, et non celle des seuls forestiers

C’est ce qu’indique le rapport parlementaire sur l’adaptation des forêts au changement climatique, rédigé par la députée Renaissance Sophie Panonacle et présidé par la députée NUPES Catherine Couturier. Les députées formulent 39 propositions – dont certaines sont excellentes, et d’autres demandent quelques précisions.

Canopée revient sur les principales propositions du rapport, et demande leur concrétisation, par exemple grâce à une proposition de loi trans-partisane.

Les points forts du rapport

🟢 Prendre en compte la biodiversité dans les plans de gestion

Le rapport parlementaire indique qu’il « serait souhaitable de réfléchir à l’introduction de nouveaux volets obligatoires dans les PSG, notamment en ce qui concerne la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et la lutte contre les incendies » (page 110). Concrètement, la proposition 24 du rapport est d’abaisser « à 20 hectares le seuil obligatoire des PSG et d’introduire de nouveaux volets obligatoires dans les documents de gestion durable et dans les SRGS, notamment en ce qui concerne la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et la lutte contre les incendies« .

La mise en place d’un volet obligatoire sur la biodiversité dans les plans de gestion des forêts, et plus largement dans les Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole, serait une belle avancée. Elle permettrait d’éviter les dérives, comme par exemple au Bois du Chat, en Corrèze, où une forêt de hêtres et de chênes aurait pu être rasée tout à fait légalement si les habitantes et habitants ne s’étaient pas opposés à la coupe et au remplacement de cette forêt par une monoculture de douglas.

La France s’est d’ailleurs déjà engagée à inclure un volet obligatoire sur la biodiversité dans les plans de gestion avant 2021 (action 3.1 de la feuille de route sur l’adaptation des forêts au changement climatique) – mais ce volet n’existe toujours pas.

🟢 Mettre en avant la gestion en irrégulier

Le rapport propose de faire évoluer la fiscalité forestière pour avantager une gestion vertueuse : « la fiscalité forestière devrait être mieux assise sur la gestion durable des forêts. En effet, un propriétaire qui rase sa forêt au profit d’une forêt de plantation en monoculture bénéficie de la même fiscalité que celui qui la maintient en bon état écologique, tout en fournissant du bois. La fiscalité forestière n’intègre pas assez les critères écologiques » (page 102). Concrètement, cela pourrait passer par une aide spécifique pour les propriétaires choisissant ce mode de gestion : “Proposition n° 7 : Modifier l’article 200 quindecies du code général des impôts et porter de 25 à 35 % le crédit d’impôt dont bénéficient les contribuables à raison de leurs opérations forestières s’ils s’engagent à gérer leur forêt en futaie irrégulière.”  

La sylviculture irrégulière est pratiquée sur plusieurs millions d’hectares de forêts en France. Cette méthode s’appuie sur la dynamique naturelle des peuplements et permet de produire du bois tout en respectant les écosystèmes. Mais les aides publiques vont aujourd’hui principalement à la plantation d’arbres, notamment après coupe rase.

🟢 Rediriger les aides au bois-énergie vers l’amont de la filière

Le rapport de Madame Panonacle et de Madame Couturier explique : « il existe un véritable choix politique à faire sur la question du bois énergie. Pour votre rapporteure, ce choix doit reposer sur le fait que le maintien, voire l’augmentation, du puits de carbone est une condition centrale pour les choix de politiques forestière et énergétique » (page 89). Concrètement, « il n’est pas opportun de disposer d’une deuxième unité (centrale thermique) sur notre territoire, ou d’aboutir à une aberration écologique d’une autre sorte, consistant à développer le commerce international du bois en vue de sa combustion » (page 87). Il faut donc « redéployer une partie des aides publiques portant sur le bois énergie vers le bois de construction et la filière de transformation primaire » (proposition 13).

Comme le constate la Cour des comptes, plus d’un tiers des soutiens publics à la filière forêt-bois se concentrent sur le bois énergie. Conséquence : il arrive que des forêts entières soient rasées pour alimenter la filière bois-énergie, alors que les arbres pourraient continuer à stocker du carbone ou être utilisés pour produire du bois d’œuvre, dans lequel une part du CO2 reste stockée. En réorientant les aides vers une bonne gestion forestière, une gestion vertueuse serait encouragée et des co-produits valorisables en bois-énergie seraient automatiquement produits. Le développement massif des usages du bois à des fins énergétiques représente un danger pour les forêts françaises, comme nous l’expliquons dans un rapport.

🟢 Augmenter les postes de l’Office National des Forêts

Le rapport parlementaire ne peut être plus clair sur ce point : « personne ne peut contester que l’ONF et l’IGN doivent bénéficier d’effectifs renforcés » (page 57). « Les effectifs de l’ONF demeurent toutefois trop limités pour lui permettre d’exercer efficacement ses missions de surveillance et d’entretien : un agent se charge en moyenne de 1 700 hectares, contre 800 hectares au début des années 2000 » (page 98). La même mesure est valable pour les Centres Nationaux de la Propriété Forestière (CNPF) : « là encore, il apparaît souhaitable d’augmenter le nombre des experts forestiers » (page 99).

Plus d’un tiers des postes ont été supprimés à l’Office National des Forêt au cours des 20 dernières années. Pourtant, l’ONF gère nos forêts publiques : son action est plus importante que jamais, vu le changement climatique en cours. C’est pourquoi Canopée s’engage depuis plusieurs années aux côté des agentes et agents de l’ONF afin de les aider à obtenir de bonnes conditions de travail.

🟢 Améliorer la protection des sols forestiers

Pour les députées Panonacle et Couturier, une meilleure prise en compte des sols doit se faire dans les plans de gestion : « Introduire à l’article R. 312-4 du code forestier relatif au plan simple de gestion la prise en compte de la préservation des sols. » (proposition n°8). Les aides publiques pourraient être redirigées vers les machines moins lourdes et donc moins impactantes pour les sols : « Mieux conditionner les aides publiques nationales et régionales pour encourager l’équipement en matériel à faible impact et inclure un volet « sol » dans les Defi en modifiant l’article 200 quindecies du code général des impôts ainsi que pour l’obtention du label bas-carbone » (proposition 14). Quant au dessouchage, une pratique controversée, « il convient de souligner que l’extraction des souches d’arbres a de nombreux impacts négatifs sur les sols forestiers » (page 71).

Les sols forestiers sont aujourd’hui insuffisamment protégés. Pourtant, la protection des sols est essentielle pour assurer leur fertilité, maintenir le stock de carbone de sol et préserver les réseaux mycorhiziens.

🟢 PEFC : un label plein de failles

« Ce label a aussi pu certifier comme durable des pratiques comme la coupe rase de forêts naturelles et leur transformation en monoculture de résineux. Le label PEFC a récemment engagé une révision de ses règles de certification, mais des failles majeures subsistent. » (page 78 du rapport).

Canopée s’est engagé dans le processus de révision du label de gestion durable PEFC, en espérant améliorer les critères de gestion du label. Si de petites avancées ont pu être obtenues, la certification reste largement insuffisante. Par exemple, des forêts jugées comme « vulnérables » (sans réels critères) pourront être rasées pour être remplacées par des monocultures résineuses.

Les points à préciser

🟡 Encadrer les coupes rases dans la loi ?

Canopée demande un encadrement strict des coupes rases par la loi depuis plusieurs années. Un rapport parlementaire publié en 2020 par Anne-Laure Cattelot proposait déjà l’interdiction des coupes rases de plus de 2 hectares, sauf motif sanitaire. Cette proposition ne s’est pas concrétisée entre-temps, et le rapport de Sophie Panonacle est plus évasif sur le sujet.

Il propose en effet de rendre obligatoire une autorisation préfectorale pour toute coupe rase de plus de 2 hectares (proposition 37), ce qui serait une belle avancée : « Proposition n° 37 : Modifier l’article L. 124-5 du code forestier et soumettre à autorisation préfectorale toute coupe d’un seul tenant égale ou supérieure à 2 hectares, que la forêt présente ou non une garantie de gestion durable, après avis du CNPF lorsqu’il s’agit de forêts privées. »

Mais il indique aussi que « Légiférer en fixant un seuil pour limiter les coupes rases (…) n’est pas la solution idéale »(page 135).

🟡 Augmenter la récolte de bois en forêt ?

La multiplication des usages du bois pourrait induire une augmentation de la récolte de bois, ce qui représenterait un danger pour l’évolution des forêts françaises, déjà fragilisées par le changement climatique. Sur ce point, le rapport parlementaire est ambivalent. Il indique d’une part que « la capacité de la forêt française à offrir une ressource naturelle renouvelable est sous-utilisée » (page 75), ce qui pourrait laisser entendre qu’il faut augmenter la récolte de bois, mais il indique aussi que « le maintien, voire l’augmentation, du puits de carbone est une condition centrale pour les choix de politiques forestières » : or, le maintien ou l’augmentation du puits de carbone en forêt est incompatible avec une forte augmentation de la récolte.