Le Schéma Régional de Gestion Sylvicole (SRGS) de la région Nouvelle Aquitaine est ouvert à la consultation publique jusqu’au jeudi 3 novembre 2022 inclus.
Si une forêt privée fait plus de 25 hectares, le propriétaire doit prévoir à l’avance les coupes qu’il va réaliser dans sa forêt, et les répertorier dans un document qui s’appelle le Plan Simple de Gestion (PSG). Ce plan de gestion doit alors être approuvé par une institution, qui s’appelle le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF). Cette institution approuve les plans de gestion s’ils sont conformes aux règles de gestion de chaque région. Ces règles, ce sont les fameux Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole (SRGS). En résumé, les SRGS listent ce que l’on peut, doit ou ne peut pas faire en forêt quand on est propriétaire privé : ces documents sont donc très importants.
Tous les points résumés ci dessous sont détaillés, avec des extraits du SRGS à l’appui, dans notre analyse complète :
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C’est bien simple : contrairement aux projets des SRGS des autres régions, et malgré notre analyse poussée, il semblerait qu’il n’y en ait pas. Dans les autres régions, comme par exemple en Bourgogne Franche Comté, les SRGS pourraient inclure une taille limite pour les coupes rases (10 hectares par an). C’est encore très insuffisant, mais ça va dans le bon sens.
En Nouvelle Aquitaine en revanche, il semble que les lobbys de la filière ont poussé si fort qu’aucune limite n’a été retenue pour les coupes rases. Pas étonnant, car les dés sont pipés : la filière fixe elle-même les règles du jeu avec de nombreux conflits d’intérêts. Par exemple, le président du Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest (SYSSO) est également le président suppléant du Centre National de la Propriété Forestière de Nouvelle-Aquitaine, l’organisme qui pilote l’écriture de ces nouvelles règles de gestion forestière.
Nous demandons l’intégration d’un volet biodiversité dans tous les Plans Simples de Gestion (PSG)
La France s’est engagée, dans la feuille de route sur l’adaptation des forêts aux changements climatiques, à intégrer un volet biodiversité dans les plans de gestion (point 3.1). Cet engagement a servi à justifier le financement du plan de relance en forêt par l’Union Européenne. Nous demandons donc l’intégration d’un volet biodiversité dans les PSG, qui préciserait les mesures de préservation des gros et très gros bois, du bois mort et des zones humides.
Nous demandons une taille limite pour les coupes rases en particulier sur les feuillus
En Nouvelle Aquitaine, il n’y a aucune limite de taille pour les coupes rases. Pourtant, un encadrement strict des coupes rases de feuillus serait nécessaire, en particulier dans les Landes où les îlots de feuillus se font rares. Aucun cadre n’est fixé sur le droit à raser et transformer des peuplements en plantations, ni sur les travaux de préparation du sol.
Les analyses de l’Autorité Environnementale et du Bureau d’Etudes mixte (forestier/environnementaliste) par exemple signalent à nombreuses reprises le manque de clarté au sujet de la taille des coupes rases et de leurs effets écologiques et paysagers (paysage et conflits, sols et eau, fragmentation des habitats, espèces spécialistes des forêts …).
Le fait qu’aucune limite ne soit posée sur les coupes rases en Nouvelle Aquitaine montre le poids des lobbys, alors même que des précieuses forêts feuillues sont encore rasées pour être remplacées par des monocultures de pins, comme le montre notre vidéo :
Pour demander de préserver les dernières forêts feuillues des Landes, en particulier la forêt des abords du Ciron, plus ancienne que la grotte de Lascaux, vous pouvez signer notre pétition :
Le SRGS risque de défigurer les belles forêts
Le SRGS donne la possibilité de transformer en monocultures régulières des peuplements productifs, stables et de haute valeur écologique. Il conseille même la transformation vers futaie régulière de nombreux peuplements. Les notions d’impasse et de dépérissement sont instrumentalisées pour justifier les conseils de transformation par plantations, sans être bien définies (c’est pourquoi nous avons publié un rapport sur la question).
Nous demandons une concertation plus démocratique
Le SRGS n’a pas intégré l’avis des partenaires dans la construction du document. Comme le remarque l’Autorité Environnementale, la prise en compte des enjeux environnementaux ne s’est faite que dans un échange « strictement limité au CRPF et à son Bureau d’Etudes, la concertation avec les partenaires n’étant menée que dans une phase ultérieure, sur un document abouti ».
Attention aux essences exotiques
L’introduction d’essences exotiques en forêt peut induire de graves risques écologiques. Ainsi, l’Autorité Environnementale signale, dans son avis sur les SRGS, « l’insuffisante précision des recommandations relatives aux essences préconisées ». Une recommandation qui rejoint celle de la Société Botanique de France. C’est pourquoi nous demandons l’interdiction de l’introduction de nouvelles essences exotiques en forêt, tant qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une solide analyse de risque scientifique. En particulier, nous demandons que l’eucalyptus soit immédiatement exclu de la liste du matériel forestier de reproduction autorisé car les risques d’incendie et d’appauvrissement de la biodiversité liés à cet arbre sont bien documentés.
Pourquoi dévaloriser la futaie irrégulière ?
Dans la comparaison des traitements, le SRGS dévalorise la futaie irrégulière par plusieurs arguments non fondés :
Enfin, le SRGS dissuade les transformations vers la futaie irrégulière en les présentant plusieurs fois comme difficiles, hasardeuses et même économiquement risquées.
Le projet de SRGS s’attaque à la libre-évolution
Ce SRGS dissuade les propriétaires et gestionnaires de forêt de laisser une partie de leur forêt en libre évolution (sans intervention). Il entend même leur interdire, dans les Documents de Gestion Durable, d’affecter plus de 10% de la surface du document en libre évolution. Cette position entre clairement en contradiction avec la multifonctionnalité et avec les engagements de la France en matière de biodiversité.
Ce projet de SRGS affirme que « la non-intervention est parfois dangereuse à long terme : elle conduit inéluctablement à une intervention lourde, humaine ou naturelle, se concrétisant par une profonde transformation [du paysage] ». Cette position témoigne d’une certaine définition de l’intervention « lourde », que le SRGS n’applique pourtant pas aux coupes rases ni à la grosse mécanisation.
Nous demandons l’intégration de critères sur l’eau, les sols et les paysages
Pour les sols, nous demandons l’interdiction de l’export des souches plutôt que le « raisonner », comme le recommande l’Autorité Environnementale. En effet, extraire les souches du sol est très énergivore, déstocke le carbone du sol et déstructure le sol sur le plan physique et biologique.
Nous demandons également l’interdiction de l’export des rémanents sur les sols pauvres, comme le demande le Bureau d’Etudes.
Pour l’eau, le document ne fait que rappeler la règlementation en vigueur. Les Parcs Naturels Régionaux de Millevaches et Périgord-Limousin estiment que les recommandations sur l’eau et les zones humides sont peu contraignantes.
Le cadre d’usage des pesticides est quasiment inexistant. Enfin, l’impact de la sylviculture sur le paysage est vite évacué, avec même une promotion des coupes rases.
Nous demandons d’arrêter l’incitation à pratiquer des cycles courts
Le SRGS fait la promotion des essences à cycle court et de la sylviculture dynamique avec ses coupes précoces et fortes, tout en dénigrant les gros bois, sans justifier les avantages ni présenter les risques de cette vision. Cette position ne répond plus aux enjeux environnementaux et sociaux actuels.
Vous pouvez participer à la consultation publique en vous appuyant sur notre analyse. Cochez simplement les propositions que vous souhaitez relayer puis cliquez sur « copier » en bas de page : vous n’aurez plus qu’à coller le texte généré dans un mail et à l’adresser à l’adresse suivante : srgs.draaf-nouvelle-aquitaine@agriculture.gouv.fr