Les importations de soja sont la première cause de déforestation de la France: dépendants de l’étranger pour nos besoins en protéines végétales, nous importons massivement du soja, principalement en provenance du Brésil. Une demande aux lourds impacts sur la biodiversité, les populations locales et le climat.
En attente
L’Europe est aujourd’hui le deuxième importateur de soja au monde, derrière la Chine. En France, ce sont presque 4 millions de tonnes importées en 2019.
Ce soja, nous ne le retrouvons pas directement dans notre assiette: 87% est destiné à l’alimentation animale. De par son fort apport à la fois en énergie, en protéines et en acides aminés, il est très bien adapté à l’élevage industriel. Près de la moitié du soja importé est à destination de la volaille, suivie par les porcs, puis les vaches. En moyenne, les consommateurs européens consomment indirectement 61kg de soja par an.
L’augmentation continue de la consommation de viande et de produits laitiers a généré une explosion de la production de soja: elle a été multipliée par deux en 20 ans, et il est attendu que cette augmentation continue. Cette croissance s’est principalement concentrée sur le Brésil et l’Argentine.
Pour faire face à cette demande, de larges écosystèmes sont convertis en champs de monoculture. Au Brésil, ce sont environ 100 000 hectares de végétation naturelle qui disparaissent chaque année au détriment de la culture du soja. Le Cerrado, immense savane située sous l’Amazonie, est la région la plus touchée: environ 50% de sa végétation naturelle a déjà disparu.
Les populations locales sont lourdement impactées: l’essor de la production de soja au Brésil est lié à de nombreux cas de violences, accaparements de terres et violations des droits humains. De plus, un grand nombre de personnes dépendent des ressources de ces écosystèmes, et se retrouvent sans moyens de subsistance.
Cette déforestation provoque de plus une érosion importante de la biodiversité et menace d’extinction de nombreuses espèces: le Cerrado abrite 5% de la biodiversité mondiale et 4 800 espèces endémiques.
C’est aussi une catastrophe pour le climat. On estime que l’importation de soja du Brésil en France représente chaque année l’équivalent en CO2 de 400 000 voitures. La plupart de ses émissions sont liées à la destruction de la végétation du Cerrado.
Le commerce mondial de soja est concentré dans les mains de quelques négociants internationaux: Bunge, Cargill, ADM, Louis Dreyfus, Amaggi, et COFCO. A eux seuls, ils représentent presque la moitié de la production mondiale. Ce sont aussi leurs chaînes d’approvisionnement qui concentrent 66% du risque de déforestation.
Toutes ces entreprises ont pris des engagements de lutte contre la déforestation et la conversion, mais faute de mesures concrètes, ils ne sont restés que des promesses vides: elles n’ont pas fixé de cut-off date (si une parcelle a été convertie après cette date, le soja qui y est produit n’est pas accepté), il n’y a pas eu d’insertion de clauses contractuelles de non déforestation/conversion avec les producteurs, et il est très difficile d’avoir une réelle idée des actions mises en place, faute de transparence.
1Les entreprises doivent exclure de leurs approvisionnements le soja issu de déforestation. Les secteurs de la viande, des œufs ou des produits laitiers, en continuant à acheter auprès des négociants à risque est lui responsable. Toutes ces entreprises doivent inclure des clauses de non déforestation dans leurs cahiers des charges auprès de leurs fournisseurs.
2Les banques doivent arrêter de financer les négociants de soja responsables de déforestation. En accordant des financements aux entreprises qui détruisent les écosystèmes du Brésil, les institutions financières françaises sont complices de ce drame. Elles doivent conditionner leurs prêts à destination des négociants de soja aux conditions suivantes: s’engager à ne plus acheter de soja issu de terres déforestées après le 1er janvier 2020, insérer des clauses contractuelles de non déforestation dans leurs contrats et garantir une traçabilité complète.
3Le gouvernement doit mettre à disposition les informations de traçabilité sur les importations de soja. Il n’existe aujourd’hui aucune transparence sur l’origine des importations de soja françaises. Un rapport a été remis en septembre 2020 au gouvernement démontrant qu’il existe des solutions simples pour mettre fin aux importations de soja issu de déforestation. Pour cela, il faut qu’il mette en place un mécanisme de gestion des risques permettant plus de transparence et traçabilité du soja rentrant en France.
4Une législation européenne et française forte contre la déforestation.Il est essentiel d’avoir un cadre législatif pour interdire l’importation chez nous de produits issus de la destruction des écosystèmes naturels. Au niveau français, une Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation a été mise en place en 2018. Mais faute d’obligations de responsabilité de l’ensemble des entreprises, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il est nécessaire de créer un cadre plus contraignant, en particulier pour les entreprises soumises à la loi sur le devoir de vigilance. Au niveau européen, une loi sur la déforestation importée sera en discussion en 2021. Il est important qu’elle soit à la hauteur de l’enjeu.