Analyses

Folia et Falbala : À qui profitent les crédits carbone forestiers ?

Focus sur le pendant d'une levée de fonds sensée générer des crédits carbone forestiers en France.

Publié le Rédigé par Canopée

En septembre dernier, une levée de fonds participative visait à financer deux projets de plantation d’arbres et à générer des crédits carbone forestiers en France. À qui profitent ces crédits carbone forestiers ? (et pour faire quoi…)

1,5 millions d’euros. C’est le montant que la société de financement participatif, Enerfip, associée à la start-up Hummingbirds, a levé pour financer deux projets de plantations d’arbres, Folia et Falbala, portés respectivement par FRANSYLVA Fédération Forestiers Privés de France et l’entreprise ALLIANCE Forêts Bois.

Une bonne nouvelle ou le début d’une crise de confiance ?

Pour générer un tel rendement, ces projets misent sur la vente de crédit carbone Labelisé Bas Carbone (LBC). Ce dispositif est plutôt vertueux puisqu’il a été mis en place par les pouvoirs publics pour éviter les dérives méthodologiques et encadrer les projets. Sauf qu’il est récent et comporte des failles.

L’une des principales failles est au cœur de la méthode reboisement, sur laquelle s’appuient en partie ces projets. Avant de planter des arbres, elle autorise la coupe rase d’une forêt à partir du moment où 20% des arbres sont morts. Les émissions de carbone provoquées par destruction des 80% d’#arbres vivants sont considérées comme…nulles. Un risque d’autant plus fort qu’Alliance Forêts Bois est à la manoeuvre, une entreprise qui apprécie particulièrement les coupes rases.

Pour quel partage des bénéfices ?

Ces projets soulèvent une autre question, celle du partage des bénéfices. Au lancement du dispositif LBC, le président de FRANSYLVA Fédération Forestiers Privés de France avait été très clair et avait indiqué qu’il serait vigilant à ce que l’argent levé aille d’abord aux acteurs de la filière forêt-bois. Ce projet montre l’inverse.

Le rendement proposé aux investisseurs est hors-norme par rapport à la réalité économique de la filière : 8,5% / an pendant 3 ans. Pour proposer un tel rendement, le mécanisme consiste à générer des crédits carbone à bas prix et à les revendre avec une confortable marge. Comme nous le montrons dans notre rapport, Alliance Forêts Bois est tout à fait capable de générer des crédits carbone à 10-20€/tonne de CO2. Mais à ce prix là, il ne faut pas s’attendre à des projets d’une grande complexité technique. Ceux qui font des projets de qualité ont plutôt des prix autour de 80-100€/tonne de CO2.

Le problème est que ça n’est pas sur la qualité que se rémunèrent les intermédiaires mais sur la marge et le volume. Avec l’obligation pour les compagnies aériennes de compenser leurs émissions en achetant des crédits carbone, c’est justement un énorme marché qui s’est ouvert…mais avec un prix plafonné par le gouvernement à 40€. Trop bas pour les projets vertueux, parfait pour générer 100% de marge lorsque l’on arrive à sortir des crédits à 20€ et à les revendre 40€.

Une marge qui n’ira ni aux acteurs de la filière, ni à des projets de qualité permettant de conserver et de restaurer la qualité des écosystèmes forestiers.