LA DÉFORESTATION

Sur les 30 dernières années, 420 millions d’hectares de forêts ont été déforestés au profit d’autres utilisations de terres. Quelques éléments pour comprendre ce phénomène particulièrement inquiétant.

La déforestation

Sur les 30 dernières années, 420 millions d’hectares de forêts ont été déforestés au profit d’autres utilisations de terres. Quelques éléments pour comprendre ce phénomène particulièrement inquiétant.

Publié le Rédigé par Canopée

La déforestation en question : Comment la mesure-t-on ? Où se situent les forêts mises à mal ? Quelles sont les causes de la déforestation ? Et ses conséquences ? Quel rôle jouent les acteurs financiers dans la déforestation ? Des éléments pour comprendre.

Avant de comprendre où se concentre la déforestation, et quelles en sont les causes et conséquences, il est important de définir exactement ce que comprend ce terme. Bien que nous disposions de plus de données sur les forêts que jamais auparavant, les définitions retenues divergent, et avec elles l’évaluation de l’ampleur du phénomène.

La source de données la plus généralement utilisée et réputée la plus complète est celle de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Pour la FAO, la forêt est un couvert arboré recouvrant au moins 10% d’une surface d’un demi hectare, et avec des arbres d’au moins 5 mètres. Celle-ci pose de cependant plusieurs problèmes : la réduction de la forêt à un groupe d’arbres, l’exclusion des zones boisées situées sous ce seuil, l’absence de la prise en compte de la dégradation des forêts, ou la comptabilisation des monocultures d’arbres à l’équivalent des forêts naturelles.

En retenant cette définition, l’évaluation des ressources forestières montre que la déforestation diminue (10 millions d’hectares par an sur la période 2015-2020 contre 12 millions sur la période 2010-2015). Mais d’après le Global Forest Watch, les chiffres sont différents. La déforestation aurait au contraire augmenté de 13 millions d’hectares en 2001 à 25 millions en 2021. Définir une tendance dans la déforestation n’est donc pas si simple, et dépendra de la définition retenue.

420 MILLIONS D'HECTARES

C’est la surface de forêts perdue sur les 30 dernières années

Les conséquences de la déforestation

La déforestation, en entraînant la fragmentation et la disparition des habitats naturels, génère de graves conséquences pour les services écosystémiques que fournissent les forêts.

Les forêts abritent 80% de la biodiversité terrestre et les deux tiers de celle-ci sont concentrés dans les forêts tropicales. La déforestation entraîne donc une érosion de cette biodiversité. Parmi les espèces menacées par la déforestation on trouve le ara rouge, l’orang outan et le tigre de Sumatra, les jaguars ou encore, de manière plus étonnante, les coraux.

Un autre effet majeur de celle-ci est la libération du carbone contenu dans les arbres. Les forêts tropicales abritent plus du quart du carbone terrestre et plus de la moitié du carbone forestier. Elles permettent de plus de réguler les températures en fournissant de l’ombre et de l’humidité. La déforestation impacte donc directement le climat, et peut même avoir des conséquences sur celui-ci dans d’autres régions que celle où elle a lieu. Les forêts jouent aussi un rôle central dans le cycle de l’eau en aidant à capter et redistribuer les eaux de pluies. L’exemple de l’Amazonie est particulièrement marquant : elle est capable de produire sa propre pluie grâce à un phénomène d’évapotranspiration de grande ampleur. Les forêts protègent de plus les sols des intempéries. Sans ce couvert forestier, les sols tropicaux très pauvres en minéraux deviennent rapidement infertiles.

Ces modifications dans les températures, le cycle de l’eau et la fertilité des sols engendrées par la déforestation peuvent aller jusqu’à mener à des conflits armés. L’invasion du bassin du lac Tchad par Boko Haram ou la guerre civile du Darfour en sont de tristes exemples.

Mais la déforestation a aussi directement un impact sur les populations qui vivent dans les forêts. Dans de nombreux pays, les droits fonciers des communautés ne sont pas reconnus. Cela peut donc entraîner un accaparement de leurs terres pour les convertir en pâtures ou cultures industrielles par exemple. Enfin, les populations locales peuvent aussi être plus touchées par des maladies. En Afrique et en Asie du Sud-Est, par exemple, les chauves-souris ont vu leur habitat dégradé, et se sont donc rapprochées de l’homme, transmettant ainsi respectivement les virus Ebola et Nipah.

État du Mato Grosso, Brésil, Août 2020 © Victor Moriyama for Rainforest Foundation

La déforestation dans le monde

Selon la FAO, plus de 90% de la déforestation sur la période 1990-2020 se situe dans les forêts tropicales. Le taux de déforestation le plus élevé se situe en Afrique, suivi par l’Amérique du Sud et l’Asie. En fonction des pays, l’ampleur et les causes de cette déforestation sont diverses. Les principaux touchés sont la Russie, le Brésil, le Canada, et l’Indonésie, la République Démocratique du Congo et l’Australie.

D’après Global Forest Watch, de 2001 à 2021, la Russie est le pays qui a connu la disparition de couvert forestier la plus importante. Cela s’explique par le fait que ses forêts subissent des incendies massifs. Ceux-ci, couplés à l’activité humaine, entraînent des modifications durables du paysage du pays. Le Brésil est aussi très largement touché par la déforestation. L’Amazonie et le Cerrado enregistrent des records de déforestation depuis 7 ans, et cette tendance s’est accélérée suite à la politique de démantèlement des institutions environnementales initiée sous la présidence de Jair Bolsonaro. Toujours selon Global Forest Watch, le Canada est classé au 3ième rang mondial de perte de couvert forestier, principalement à cause de sa mauvaise gestion forestière. Mais de nombreuses luttes y ont lieu, et une bataille emblématique a déjà été gagnée pour la protection de la forêt du Grand Ours en Colombie Britannique.

L’Indonésie connaît, elle, une tendance inverse. Depuis 2016, le taux de perte de forêts primaires a commencé à baisser. Cette diminution peut s’expliquer par divers facteurs, dont l’action de l’Etat et des entreprises, mais aussi par une surface boisée restante réduite. Dans la République Démocratique du Congo, les efforts de réforme, comme l’Initiative pour les Forêts d’Afrique Centrale, qui vise par exemple à améliorer la gestion des concessions forestières n’ont eux pas montré les effets escomptés. Le pays a perdu presque un demi million d’hectares en 2021. Enfin en Australie, ce sont 290 000 hectares de couvert végétal ont été perdus en 2021. Cette déforestation menace des écosystèmes emblématiques comme la Grande barrière de corail et l’habitat des koalas.

Les causes de la déforestation

D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), entre 2000 et 2018, les principales causes de la déforestation sont l’agriculture et l’élevage. Elles représentent 90% de la déforestation. Les activités minières, elles, arrivent en deuxième position avec 7% de la déforestation.

90 %

C’est la part de la déforestation causée par l’élevage et l’agriculture

Parmi les causes de la déforestation, l’élevage arrive en première position : il est responsable de 40% de la déforestation. Les plantations d’huile de palme arrivent en second, avec une déforestation et production concentrées en Indonésie et Malaisie.

La production de soja, multipliée par quatre en 40 ans à cause de l’augmentation de la consommation de viande, est la troisième cause de déforestation. Celle-ci impacte en particulier les écosystèmes d’Amérique latine. L’immense savane arborée du Cerrado, située au Sud de l’Amazonie, est la plus touchée. L’aménagement du territoire et les progrès scientifiques ont mené à une augmentation particulièrement importante de la culture de soja dans cette région. Cela a entraîné une déforestation massive, et près de la moitié du Cerrado a déjà disparu. La Forêt Atlantique (Mata Atlantica), le Gran Chaco, l’Amazonie, le Pantanal, et la forêt du Chiquitano sont eux aussi menacés.

La culture de cacao, concentrée pour les trois-quarts en Afrique de l’Ouest, et en particulier en Côte d’Ivoire et au Ghana, a décimé les forêts de ces pays.

D’après une étude, plus de 60% des plantations de caoutchoutiers a lieu sur des terres déforestées, principalement au Cambodge.

Enfin, la production de café est elle aussi responsable d’une déforestation massive au Honduras et en Côte d’Ivoire.

7 %

C’est la part de la déforestation directe liée à l’extraction minière

L’exploitation minière explique 7% la déforestation, bien loin derrière l’agriculture et l’élevage. Mais l’impact global de l’exploitation minière pourrait être largement sous-estimé.

Tout d’abord, l’exploitation minière engendre une déforestation au-delà de la zone d‘extraction. La création d’infrastructures pour l’énergie, de réseaux de routes et l’afflux de population qu’elle entraîne engendre une déforestation indirecte. De plus, bien que l’exploitation minière ne soit pour l’instant que la troisième cause de déforestation, l’impact de cette ressource est en augmentation. En effet, à cause de la croissance soutenue des pays émergents et de l’augmentation des besoins pour les nouvelles technologies et la transition énergétique, la production de nombreux minerais a explosé au cours des dernières décennies. L’exploitation minière entraîne de plus de nombreux effets négatifs au-delà de la déforestation comme la perte de biodiversité, des atteintes aux droits humains, et la production de déchets dangereux.

Avec la montée des inquiétudes environnementales en Europe et au USA, l’activité minière s’est déplacée vers les pays en développement. La déforestation liée à cette dernière se concentre sur l’Indonésie, le Brésil et le Bassin du Congo, principalement pour l’extraction de l’or et du charbon.

La part des acteurs financiers

Un élément important à considérer dans les causes de la déforestation est les acteurs financiers. En accordant les prêts ou en investissant dans les entreprises responsables de déforestation, ils permettent à ses activités d’avoir lieu.

Parmi les acteurs financiers on trouve une diversité de structures et d’activités (banques, investisseurs, assureurs). Bien qu’ils puissent avoir un rôle clé dans la déforestation en finançant les entreprises des secteurs du bœuf, de l’huile de palme ou encore du soja, plusieurs analyses montrent que peu est fait par ces acteurs pour évaluer et limiter leur impact. Global Witness a par exemple démontré que des banques et sociétés d’actifs ont conclu des accords pour près de 150 milliards d’euros avec des entreprises associées à de la déforestation entre 2015 et 2021.

149 MILLIARDS D'EUROS

C’est le montant des accords financiers conclus entre des acteurs financiers et des entreprises associées à de la déforestation entre 2016 et 2021.

Des entreprises comme Cargill, le numéro un mondial du négoce de soja, et parmi les plus exposé à la déforestation ; ou l’agro-industriel de boeuf JBS, complice de la déforestation en Amazonie ont ainsi pu financer leurs activités. Avec 456 millions d’euros investis dans ces entreprises, BNP Paribas est la première banque française en termes de financement de la déforestation. Mais Crédit Agricole, Natixis Société Générale font aussi partie de ces acteurs.

Une stratégie adoptée par certains de ces acteurs financiers pour répondre à cet enjeu a été la création de fonds durables. Les “green bonds” par exemple, sont des obligations utilisées pour des projets écologiques. Mais les données de Trase sur ces fonds montrent que la réalité est toute autre. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre légal qui permette de mettre fin à ces financements. La loi sur le devoir de vigilance, mise en place en France en 2017, est un bon début. Mais au niveau européen, la nouvelle loi contre la déforestation, elle, n’a pas inclus d’exigences envers les acteurs financiers qui pourraient être associés à la déforestation.