Angers, le 29 septembre 2020. Rainforest Foundation Norway et Canopée ont mené une enquête de terrain auprès d’habitants de l’Amazonie et du Cerrado qui témoignent des conflits sociaux et environnementaux auxquels ils font face. Ce rapport met en évidence la responsabilité des grands négociants comme Cargill et Bunge, mais aussi de l’Europe et la France, grandes importatrices de soja.
L’équipe d’investigation s’est rendue dans des fermes dans ces deux biomes, où elle a été témoin de vastes feux dans les Etats du Tocantins, du Maranhão et de Bahia, ainsi que le long de l’autoroute transamazonienne BR163. Ils y ont collecté de nombreux témoignages auprès des communautés. Les personnes interrogées racontent être menacées, expulsées de leurs terres, devoir se battre seules face aux feux, voir la végétation du Cerrado et de l’Amazonie détruite, les cours d’eaux pollués et asséchés, et perdre leurs moyens de subsistance. Pour les populations locales, Bunge et Cargill sont responsables de ces crimes sociaux et environnementaux en refusant d’être transparents et de couper les liens avec les fermiers incriminés.
Cette situation, déjà très alarmante, s’aggrave. Notre équipe d’investigation a pu s’entretenir avec la Commission Terres Pastorales, un groupe de défense créé pour faire face aux problèmes de répartition injuste des terres. Elle a recensé 1 833 conflits impliquant des violences contre les communautés locales en 2019 au Brésil, 23% de plus que l’année précédente. Ces conflits fonciers sont à l’origine des incendies, eux aussi en augmentation par rapport à 2019.
Malgré les impacts catastrophiques de la culture de soja sur les populations locales, la biodiversité et le climat, l’Europe et la France continuent d’importer du soja du Brésil. Ces importations ont augmenté de 35,71% sur la période janvier-juillet 2020 par rapport à la même période de l’année dernière.
En décembre 2018, la Commission européenne a pourtant annoncé son intention d’intensifier l’action de l’Union européenne dans la lutte contre la déforestation. La France a elle aussi pris de nombreux engagements. Dans le cadre de la Déclaration d’Amsterdam elle s’est engagée à mettre fin à ses importations de commodités agricoles liées à la déforestation d’ici fin 2020. Cet engagement a été réitéré dans le cadre de la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée (SNDI) et par les propos d’Emmanuel Macron pendant le G7 de 2019. Pourtant, des mesures concrètes tardent à être mises en place.
«Les chefs d’État et de gouvernement européens ne peuvent pas prétendre avoir créé un Green New Deal s’ils continuent d’ignorer la contribution de l’Union européenne à la crise environnementale qui se déroule dans les pays forestiers tropicaux comme le Brésil. Nous devons comprendre que la consommation française et les investissements français contribuent également à promouvoir la destruction de la forêt tropicale.», déclare Anahita Yousefi de Rainforest Foundation Norway.
“La destruction en cours du Cerrado et de l’Amazonie pour la culture du soja est alarmante et la France en est toujours complice. Le 17 septembre dernier nous avons remis notre rapport à la secrétaire d’Etat à la biodiversité, Bérangère Abba, qui montre que les solutions techniques existent pour mettre en œuvre les engagements pris. Tout est maintenant question de volonté politique. Les prochains mois sont décisifs pour tester la crédibilité du gouvernement à mettre fin à la déforestation importée de la France [1].” conclut Klervi Le Guenic, chargée de campagne à Canopée.
[1] Bérangère Abba s’est engagée à présider la réunion de bilan à mi-parcours de la SNDI, le 14 novembre prochain.