Savez-vous que, sous nos latitudes, plus de 50% du carbone forestier est stocké dans les sols, la litière et le bois mort ?
Les sols jouent un rôle clé dans le fonctionnement de l’écosystème forestier : réserve d’eau, pompe à oligo-éléments extrait de la roche mère, décomposition du bois mort et de la litière, réseaux mycorhiziens indispensables aux arbres.
Pourtant, ces sols sont menacés par certaines pratiques forestières : mécanisation lourde entraînant le tassement des sols, grandes coupes rases, dessouchage, exportation des menus bois….
Suite aux Assises Nationales de la Forêt de mars 2022, le gouvernement a décidé de mettre en place un plan de préservation des sols forestiers. Canopée a participé activement aux groupes de travail et a identifié 6 mesures structurantes qui pourraient changer la donne.
Afin de consolider ces propositions, nous proposons aux professionnels de la filière « forêt-bois » de nous donner leur avis avant le lundi 27 février.
Ces propositions consolidées seront remises à l’ADEME et également mises au débat, sur notre stand, lors du salon Euroforest (21-23 juin 2023, Jura).
Je contribue aux propositions de Canopée
L’enjeu
Suspendre un chantier a un impact financier. Lors de fortes pluies et de forts épisodes de neige, certaines entreprises de travaux forestiers (ETF) continuent l’exploitation forestière en raison des contrats passés avec leurs donneurs d’ordre et pour des raisons économiques si elles ne peuvent se replier sur d’autres chantiers sur sols secs. En effet, ces entreprises de travaux, souvent des petites structures, continuent à payer les charges fixes si tous leurs chantiers sont en pause, et des déplacements supplémentaires si elles doivent interrompre un chantier pour aller sur un autre dans de meilleures conditions (repli).
A l’instar de ce qui existe dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, l’enjeu est donc de créer un mécanisme d’assurance pour permettre aux entreprises de travaux forestiers d’arrêter les chantiers en cas d’intempéries mais sans les laisser supporter seules le coût.
Le levier d’action
Créer un mécanisme d’assurance, avec une part de financement par l’ensemble de la filière. Nous proposons de réorienter une part de la Contribution Volontaire Obligatoire (CVO) déjà prélevée vers le financement de ce mécanisme.
Les conditions de succès
Cette couverture en cas de suspension de chantiers ne doit pas être une simple assurance à souscrire. Elle ne fonctionnera que si toutes les parties prenantes prennent leurs responsabilités pour ne pas laisser les ETF seules à supporter le coût de cette suspension.
Pour aller plus loin
Rapport « Entreprises de travaux forestiers : quels profils à l’avenir » de décembre 2021
L’enjeu
La mécanisation est nécessaire sur de nombreux chantiers en raison du manque de main d’œuvre et de la pénibilité de certaines tâches en forêt. Cependant, la circulation des engins lourds peut entraîner un tassement des sols, notamment sur les sols à texture fine (limons, argiles) et les sites naturellement mal drainés.
Les engins forestiers mis sur le marché sont de plus en plus puissants et chers. Les propriétaires forestiers et les gestionnaires rencontrent des difficultés à trouver des entreprises utilisant des équipements légers et adaptés à des travaux précis, sains et de qualité (tracteurs polyvalents, matériels d’abattage et de débusquage de moins de 10 tonnes, porteurs limités à 25 tonnes en charge)
Les leviers d’action
Dans le cadre du dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (DEFI), nous proposons de créer un nouveau DEFI Sol. Ce DEFI Sol pourrait être bonifié par des aides régionales en mobilisant les crédits européens PSN-FEADER 2023-27 de coopération et/ou d’investissements.
Une proposition complémentaire est de renforcer le volet sol dans le label bas carbone pour orienter les financements privés vers les bonnes pratiques.
Les conditions de succès
Pour aller plus loin :
L’enjeu
La protection des sols constitue un angle mort du code forestier. En 2022, lors des débats sur la loi « climat et résilience », les parlementaires ont commencé à corriger ce constat en reconnaissant d’intérêt général « la préservation de la qualité des sols forestiers » dans l’article L. 112-1. Ce premier pas reste insuffisant : les Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole (SRGS), qui encadrent la gestion en forêt privée (Article R312-4 du code forestier), sont assez peu prescriptifs en ce qui concerne la protection des sols. Un plan simple de gestion (PSG) dans une région donnée doit être compatible au Schéma Régional de Gestion Sylvicole (SRGS) de cette région mais peut fixer également des exigences complémentaires. Idéalement, ces exigences complémentaires devraient être progressivement intégrées lors des renouvellements en cours des PSG ou par avenant pour ceux qui sont finalisés.
Le levier d’action
Renforcer les alinéas 1 et 4 de l’article R312-4 du code forestier encadrant les plans simples de gestion en forêt privée en ajoutant une description des sols (alinéa 1) et des préconisations de travaux (alinéa 4).
Les conditions de succès
Pour aller plus loin
For-Eval – Application mobile pour évaluer les sols forestiers
Guide sur la praticabilité des parcelles forestières édité par l’ONF
Communication du Ministère de l’Agriculture autour des Assises de la Forêt et du Bois
L’enjeu
La coupe rase est une pratique de gestion forestière controversée qui devrait être mieux encadrée. L’expertise collective « CRREF – Coupes Rases et REnouvellement des peuplements Forestiers en contexte de changement climatique », pilotée par le GIP Ecofor et le RMT Aforce, a permis de faire un état des connaissances sur la pratique de la coupe rase et a mis en évidence :
Les leviers d’action
Pour aller plus loin
Rapport « Plante » de mars 2022
Rapport « Gestion forestière » de décembre 2021
Synthèse du rapport « Laisser vieillir les arbres » de décembre 2021
Rapport « Quelles alternatives aux coupes rases » de septembre 2022
L’enjeu
L’extraction des souches d’arbres a de nombreux impacts négatifs sur les sols forestiers. Cette pratique entraîne une déstructuration profonde des sols avec pour conséquence le relargage du carbone qu’ils stockaient. De plus, les souches d’arbres constituent la base d’une chaîne trophique pour les champignons lignivores et les insectes saproxyliques. Enfin, la décomposition des souches (comme celle des menus bois) permet de maintenir de la matière organique dans les sols. Cette matière organique est un réservoir d’humidité, indispensable en période de sécheresse.
Le seul débouché économique des souches est la valorisation en bois énergie ce qui constitue un revenu très faible par rapport aux conséquences économiques, à moyen / long terme, liées à la perte de la résilience de l’écosystème.
Uniquement pratiquée aujourd’hui dans le massif des Landes, cette pratique à l’avantage pour les opérateurs de réduire la pénibilité du travail. L’enjeu est donc d’éviter l’exportation de cette technique dans d’autres territoires et de faire évoluer un modèle de sylviculture intensive en passant d‘une mécanisation lourde sur l’ensemble de la surface du peuplement à des travaux mécanisés plus ciblés pour lesquels le maintien des souches n’est plus un obstacle.
Le levier d’action
Ajouter un article sur la protection des sols après le L.124-4 du code forestier pour interdire le dessouchage en forêt.
Les conditions de succès
Distinguer le dessouchage de l’arrasage et du croquage de souches qui peuvent parfois se justifier.
Pour aller plus loin
Guide GERBOISE pour la gestion raisonnée de la récolte de bois énergie
L’enjeu
Les feuilles et les menus bois (branches de diamètre inférieur à 7 cm) concentrent les éléments minéraux puisés par l’arbre lors de sa croissance. Les exporter lors de la récolte présente donc un risque majeur de dégradation de la fertilité des sols à moyen ou long terme.
Sur les sols les plus vulnérables, aucune récolte n’est souhaitable d’après l’ADEME. Sur certains sols riches, il serait possible d’exporter une partie de ces menus bois mais d’une part celà impliquerait une cartographie précise de ces sols et d’autre part, celà impliquerait un solide mécanisme de vérification.
De plus, maintenir les menus bois et les feuilles est toujours favorable car celà accroît la quantité de matière organique dans les sols et donc la rétention d’humidité.
Enfin, la commercialisation des feuilles et des menus bois ne représente qu’un faible intérêt économique. La balance bénéfice / risque pèse donc clairement pour une interdiction stricte de l’exportation des feuilles et des menus bois.
Le levier d’action
Ajouter un article sur la protection des sols après le L.124-4 du code forestier pour interdire le prélèvement des feuilles et des menus bois
Les conditions de succès
Garantir la contrôlabilité de l’interdiction par des moyens humains suffisants.
Pour aller plus loin