Au Brésil, les communautés autochtones subissent de plein fouet les politiques destructrices de Jair Bolsonaro. Dernière offensive: plusieurs projets de lois menaçant de légaliser l’accaparement des terres, changer la démarcation des réserves autochtones, les ouvrir aux mines et faciliter les projets destructeurs de l’environnement.
En août dernier, le projet de loi 2633, surnommée loi sur l’accaparement des terres, destiné à régulariser l’occupation de terres publiques, a été adopté par la Chambre des députés. Si celui-ci est approuvé par le Sénat, il validera l’exploitation illégale de la forêt et viendra littéralement récompenser les exploitants s’appropriant des terres en leur accordant un droit de propriété sur les terres occupées illégalement. Ce projet de loi menace gravement les territoires autochtones et les écosystèmes brésiliens et en particulier l’Amazonie. D’après un rapport de l’Instituto Socioambiental, même avant son adoption, la loi y a déjà eu des impacts dramatiques: dans les zones de conservation gérées au niveau fédéral où vivent les populations traditionnelles par exemple, les accaparement des terres ont augmenté de 274% sur la période 2018-2020.
Un autre projet de loi cible l’Etat d’Acre en Amazonie, en proposant la réduction de l’importante réserve Chico Mendes, un modèle de foresterie durable créé il y a plus de 30 ans. Il réduirait sa surface de plus de 930 000 hectares à environ 8 000 hectares.
Dans un autre État amazonien, le Rondônia, une loi similaire a déjà été votée et réduit de 50 000 hectares la surface du parc Guajará-Mirim et de plus de 160 000 hectares la surface de la réserve Jaci Paraná, la laissant à seulement 10% de sa surface initiale,. En plus des conséquences pour les populations locales et la préservation des ces territoires, cette loi crée un précédent pour la redéfinition arbitraire des zones protégées, qui pourrait maintenant s’étendre à d’autres réserves.
Le projet de loi PL490, qui devrait lui changer les règles de démarcation des terres autochtones a suscité une mobilisation sans précédent. Justifié par le concept de “thèse temporelle”, cette loi limiterait les territoires pouvant être considérés comme autochtones à ceux où ils habitaient en 1988 ou avant, l’année de l’adoption de la Constitution qui reconnaît leurs droits. Seulement cela ne prend pas en compte les nombreuses expulsions et déplacements forcés qui ont eu lieu avant cette date.
En juin, le Tribunal Suprême Fédéral devait rendre un jugement concernant la démarcation des terres autochtones du peuple Xokleng. Ce jugement aura une portée générale: si la thèse temporelle est retenue, elle s’appliquera à tous les processus de démarcation en cours. C’est donc une affaire historique qui pourrait déterminer le futur des peuples autochtones du Brésil. Pour défendre leurs droits, des centaines de personnes se sont mobilisées à Brasilia en juin. Puis en août, où ils étaient 6 000, représentant 117 ethnies différentes, la plus grande mobilisation autochtone depuis 30 ans! Le Tribunal a suspendu le vote une première fois, puis une deuxième et il n’y a pas de nouvelle date fixée.
La liste des projets de loi en cours est malheureusement encore longue: la loi 191/20 propose d’ouvrir l’exploitation minière à l’intérieur des territoires autochtones, la loi 5518/20 sur les concessions forestières vise à rendre les contrats plus flexibles afin d’attirer plus d’investissements, la 3729/04 vise à détruire les procédures d’autorisation environnementale et entraîne des reculs importants en matière de protection des droits des populations affectées par des dégradations environnementales, ou encore la 984/2019 prévoit la construction de routes dans le parc national d’Iguaçu.
Cette série de lois s’inscrit dans la ligne droite du discours d’avril 2020 du Ministre de l’Écologie de l’époque, Ricardo Salles: introduire systématiquement de lois dérégulant et affaiblissant les réglementations environnementales pendant que la presse a les yeux rivés sur la pandémie.