Une nouvelle étude révèle que la demande européenne en biocarburants à base d’huile de soja pourrait quadrupler dans les prochaines années et accélérer ainsi la destruction d’écosystèmes d’Amérique du Sud.
Avec la fermeture progressive du marché européen aux biocarburants à base d’huile de palme, le risque est grand d’importer en substitution de l’huile de soja qui est, après l’huile de palme, l’huile la moins chère sur le marché international. Cette nouvelle étude évalue ainsi que les importations d’huile de soja pourraient doubler, voir quadrupler selon les scénarios d’ici 2030.
En France, l’utilisation d’huile de soja a déjà quintuplé entre 2014 et 2019. Avec l’entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2020, de l’exclusion de l’huile de palme brute des biocarburants, le phénomène pourrait prendre de l’ampleur.
Or, en Amérique du Sud, l’extension des cultures de soja est une cause majeure de déforestation et de destruction d’écosystèmes précieux comme le Cerrado ou le Gran Chaco. Ces écosystèmes jouent un rôle-clé pour la préservation de la biodiversité, la régulation de l’eau mais également le stockage de carbone : remplacer les carburants fossiles par des biocarburants à base d’huile de soja entraîne deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre.
Cette nouvelle étude pointe une faille dans la politique européenne de soutien aux biocarburants qui a bien identifié les risques de déforestation associés à l’huile de palme mais qui a sous-estimé ceux associés à l’huile de soja. Pour Cristina Mestre, chargée de campagne biocarburants pour Transport & Environnement qui a commissionné cette étude : « Les importations de soja vont provoquer une déforestation dramatique si l’Europe ne révise pas sa politique de soutien aux biocarburants. L’urgence est de classer le soja dans les matières premières à fort risque de déforestation mais, au-delà, c’est bien de mettre un terme à la production de biocarburants cultivés sur des terres dédiées qui est en jeu ».
En France, les députés se sont saisis du sujet lors du débat sur le projet de loi de finances 2021 en votant, le 16 octobre 2020, un amendement excluant de façon explicite l’ensemble des produits à base d’huile de palme mais aussi de soja. Cette décision a été prise contre l’avis du gouvernement et de façon extrêmement serrée : elle devra donc être confirmée au Sénat fin novembre et à l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, fin décembre.
Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour Canopée et porte-parole forêt des Amis de la Terre France conclut : « En 2018, la décision des députés d’exclure l’huile de palme des biocarburants a créé un précédent qui a fait bouger les lignes en Europe. C’est la même chose qui se joue aujourd’hui avec le soja et il est regrettable de constater que le gouvernement français essaie de bloquer ses avancées plutôt que de les reprendre à son compte alors que cette semaine marque le deuxième anniversaire de sa propre stratégie de lutte contre la déforestation importée».