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Le 29 octobre 2020, à l’occasion du Climate Finance Day, Canopée, Reclaim Finance et Sum of Us ont interpellé les banques françaises sur leur responsabilité dans la destruction des écosystèmes naturels du Brésil. 

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La déforestation est responsable d’environ 12% des émissions annuelles de gaz à effet de serre. Si elle était un pays, ce serait le troisième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, juste après la Chine et les États-Unis. La culture de soja est l’un des principaux facteurs de cette déforestation, particulièrement en Amérique du Sud. Une question qui devrait donc être cruciale dans un colloque sur le climat.

Les militants de Canopée et Reclaim Finance sont donc allés interpeller les acteurs financiers qui se sont réunis à l’occasion de la tenue du Climate Finance Day, leur demandant de prendre des engagements contre la déforestation.

Le soja, une déforestation cachée

L’augmentation continue de la consommation de viande et de produits laitiers a généré une explosion de la production de soja: elle a plus que doublé en 20 ans. Le soja que nous consommons est invisible. Nous ne le trouvons pas directement dans nos assiettes, mais indirectement à travers les produits animaux que nous mangeons. Pourtant le drame est bien réel. Au Brésil, un des plus gros pays producteurs, le Cerrado est en première ligne de la déforestation liée au soja. Cet immense biome de 200 millions d’hectares constitué majoritairement de savanes a ainsi déjà perdu 50% de sa superficie. Il est maintenant l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète.

La France a une responsabilité particulière: globalement déficitaire en protéines végétales pour l’alimentation animale, elle importe massivement du soja. dont plus de la moitié est en provenance du Brésil. Cela en fait la première source de déforestation importée du pays. Dans le cadre du Comité Scientifique et Technique mis en place par les différents ministères, Canopée a publié un rapport proposant des solutions pour mettre fin aux importations de soja à risque. Il a été remis au gouvernement en septembre.

Les banques françaises, responsables?

Le commerce mondial de cette matière première est concentré entre les mains d’une poignée de négociants: Bunge, Cargill, ADM, Louis Dreyfus, Amaggi, et COFCO. Ce sont aussi leurs chaînes d‘approvisionnement qui sont associées à la majeure partie du risque de déforestation liée à la culture du soja: ils représentent 66% du risque en 2017.

Plusieurs acteurs ont un rôle majeur à jouer pour faire changer les pratiques de ces négociants et endiguer la déforestation en cours. Les institutions financières en sont un.

La protection des forêts et de la biodiversité devient une préoccupation majeure des acteurs de la finance, dans les discours tout du moins. Mais des données de Profundo révèlent que 5 grandes banques françaises (BPCE, Société Générale, BNP Paribas, Crédit Mutuel et Crédit Agricole) ont accordé près de 9,5 milliards de dollars de financements aux négociants ADM, Bunge, Cargill, et Louis Dreyfus entre 2016 et 2019. 317 millions de dollars d’actions et obligations ont aussi été investis par les acteurs financiers français dans ces mêmes entreprises. Ces montants s’expliquent notamment par l’absence de politique robuste pour prévenir leurs soutiens à des entreprises responsables de déforestation.

Pour y remédier, plusieurs ONGs dont Canopée, Reclaim Finance, Sum of Us et Rainforest Foundation Norway ont récemment interpellé les acteurs financiers français sur les enjeux liés au soja issu de déforestation. Dans une lettre envoyée le 23 septembre dernier, nous demandons aux acteurs financiers de suspendre leurs soutiens aux traders qui ne respecteraient pas une condition simple: inclure dans leurs contrats auprès de leurs fournisseurs une clause “zéro déforestation” après la date du 1er janvier 2020.

Alors que la lettre demandait une réponse d’ici le 23 octobre, seuls 5 acteurs y ont répondu:

BNP Paribas a déclaré ”nous envisageons actuellement la possibilité de renforcer notre politique du secteur agricole en matière de soja pour les producteurs et négociants, afin de mieux refléter les défis posés par la production et le commerce du soja dans les régions qui sont particulièrement à risque en termes de déforestation. En ce sens, nous visons à renforcer nos attentes à l’égard des producteurs et des négociants de soja en ce qui concerne les systèmes de traçabilité et les rapports.”

AXA a “élaboré une politique de l’huile de palme en 2013, qui a conduit à l’exclusion des investissements de certains producteurs d’huile de palme qui n’adhèrent pas aux diverses bonnes pratiques de l’industrie. Nous avons récemment décidé de réexaminer ces travaux afin de comprendre et d’aborder plus largement les facteurs de la déforestation, au-delà de l’industrie de l’huile de palme, par exemple en ce qui concerne la production de soja.”   

Groupe BPCE: “Dans le cadre de notre examen et de notre surveillance des risques ESG, nous continuerons à nous engager avec nos équipes commerciales et nos clients pour améliorer les pratiques du marché afin de réduire autant que possible les impacts négatifs potentiels de l’industrie du soja. Nous tiendrons nos clients informés de vos préoccupations soulignées lors du récent webinaire organisé par Reclaim Finance afin de promouvoir des solutions pour un meilleur suivi de la traçabilité de leurs produits.”    

Amundi : “La déforestation est une question clé pour l’investissement responsable et notre équipe d’analyse ESG travaille sur un projet d’engagement plus large sur la déforestation (au-delà du soja). À ce stade, nous allons nous concentrer sur cette action. Nous serions heureux de recevoir toute recherche que vous et le groupe d’ONG collaborant à la campagne produiront.”    

Société Générale, elle, envisage déjà des fausses pistes comme la certification ou la compensation: “Societe Generale est prêt à soutenir ses clients actifs en amont de la filière soja qui sont engagés vers la zéro déforestation nette et la certification mais aussi essayer de renforcer ‘évaluation de nos actions pour garantir un progrès rapide.” Le principe de zéro déforestation nette permet la déforestation ou conversion d’une zone tant qu’une zone de taille égale est replantée. Le soja certifié, lui, est le plus souvent mélangé à du soja à risque et ne permet pas d’assurer que le soja acheté provient bien de parcelles non déforestées.

Ces réponses montrent que si tous se disent concernés par les enjeux liés à la déforestation, aucun ne prend l’engagement concret demandé: suspendre leurs soutiens aux traders qui ne mettraient pas en place une clause de “zéro déforestation” après la date du 1er janvier 2020.

Nous allons donc continuer et intensifier notre travail dans les mois qui viennent pour obtenir de réelles avancées.

Lire les réponses complètes des banques:

BNP Paribas Axa Société Générale BPCE Amundi

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